Pour parler de l’accordéon de manière satisfaisante, quelques pages ne peuvent suffire. La raison en est que contrairement au violon, qui n’a pratiquement pas changé depuis Amati, Guarneri, Stradivari, l’accordéon a subi une multitude de transformations, Il a aussi adopté mille apparences suivant qu’il était construit en Allemagne, en Autriche, en France, en Italie, en Suisse ou en d’autres endroits. Des fleuves de littérature à son sujet nous sollicitent avec, comme effet, que personne ne peut en revendiquer l’invention. En clair, l’accordéon, c’est l’invention de tous.
Membre de la grande famille des aérophones, l’accordéon est un instrument à vent maintenu au moyen de courroies sur le bas de la poitrine du musicien qui le tient en quelque sorte dans ses bras, le soutenant aussi avec son menton et ses genoux. Comme l’a dit avec tant de finesse l’immortel accordéoniste Fancelli,
il le surveille avec l’œil et l‘oreille, il l’entend avec son cœur.
L’instrument est généralement muni d’un clavier à boutons pour l’accompagnement à la main gauche et d’un clavier à boutons ou à touches piano à la main droite. C’est de là que viennent les appellations accordéon à boutons ou accordéon-piano. Il est aussi doté d’anches libres donc oscillantes, qui sont des languettes de métal retenues seulement à l’une de leurs extrémités. Cette particularité leur permet de vibrer d’un côté ou de l’autre de leur axe de repos et de produire un son sous l’impulsion d’un flux d’air provoqué par le soufflet. C’est le poumon de l’accordéon. C’est lui qui crée la dynamique. Tout le phrasé et l’interprétation en dépendent. C’est comme la voix humaine qui dépend de trois éléments essentiels : une arrivée d’air qu’on appelle l’aspiration, un réservoir qui est les poumons et un système sonore : les cordes vocales.
Il est très facile d’ouvrir un accordéon. Pour en ouvrir un devant nous, monsieur Cavallo, du magasin Excellence de Montréal, Canada, n’a eu qu’à enlever quelques clous qui tiennent le soufflet en place, ce dernier étant renforcé à chacune de ses extrémités par un cadre en bois. La démonstration que M. Cavallo nous a donnée fut des plus intéressantes et nous a permis de mieux comprendre l’anatomie de l’instrument. Il est doté d’un ou de plusieurs sommiers. Le sommier est une pièce de bois qui ressemble à un hamonica. Sur cette pièce sont maintenues, au moyen de clous ou de cire, des plaquettes qui reçoivent chacune deux anches libres. Les Français préfèrent les clous vu que, pour reproduire et soutenir les harmoniques de très hautes fréquences, il faut absolument que le système vibratoire soit le plus rigide possible donc favorable au son musette.
Pour empêcher l’anche inutilisée de sonner, les plaquettes sont recouvertes de plastique ou d’une peau de cuir. Sous chaque plaquette, il y a une cavité appelée alvéole, indispensable pour un ajustement précis de la sonorité de l’accordéon. Le système anche/plaque/alvéole est ce qu’on appelle un formant.
L’alvéole a sa propre fréquence de résonance et elle agit sur l’anche et vice versa. Quant au sommier, il n’a pas vraiment d’influence sur la sonorité. Conséquemment, la matière utilisée pour sa fabrication (le bois) est choisie seulement pour ses qualités ouvrables.
La table d’harmonie reçoit les sommiers du côté intérieur du soufflet et les soupapes du côté extérieur. Elle reçoit aussi les coulisses de registres.
Parce qu’elles ont trois rangées de soupapes, les caisses des accordéons chromatiques, donc à boutons, sont plus profondes que les caisses d’accordéons à touches piano qui n’en ont que deux, ce qui favorise un dégagement plus efficace des soupapes.
En 1929, Mariano Dallapé, de Stradella, a inventé le cassotto (tone chamber) C’est une boîte renfermée dans le soufflet. Elle fait ressortir les harmoniques graves au détriment des harmoniques aiguës, ce qui a comme effet de rendre les sons plus chauds, plus moelleux, tout en augmentant le volume. Autrement dit, le cassotto assourdit le son, l’enveloppe, un peu comme la sourdine pour la trompette. Le cassotto est très apprécié dans le Jazz, mais beaucoup moins pour le musette qui demande un son plus éclatant.
Reine Lessard