Petite cause, grands effets

Le Cheng chinois ancêtre de l'accordéonTrois mille ans avant notre ère, au cours de l’élaboration d’un mécanisme pour fabriquer une sorte d’orgue à bouche nommé sheng ou cheng, les Chinois ont inventé l’anche libre. (L’instrument a survécu. aux millénaires et une copie en est conservée au musée de l’accordéon de Castelfidardo, en Italie). Durant les années 1800 qui marquent le début du romantisme en musique découlant de la révolution industrielle alors à son paroxysme, l’Europe est à la recherche d’instruments nouveaux. Chez les inventeurs, le principe de l’anche libre suscite un grand intérêt. De nombreux travaux la concernant sont entrepris à Saint-Pétersbourg par un physicien nommé Kratzenstein déjà célèbre par son invention d’un automate capable de prononcer quelques mots. On raconte qu’ayant eu entre les  mains un Cheng, Kratzenstein l’aurait montré au facteur d’orgue Kirschnik qui aurait découvert comment utiliser l’anche oscillante dans la facture de l’orgue.

J’ai toujours cru qu’il existe une coïncidence de pensées qui peut, selon moi, expliquer le fait que, pour une même invention, l’on trouve plusieurs personnes qui en revendiquent la paternité. Ainsi en fut-il pour l’orgue, l’harmonica et l’accordéon. Il existait une similitude certaine entre le cheng et l’harmonica, lequel a joué un rôle éminent dans la conception de l’accordéon. C’était un tout petit instrument à bouche inventé, en 1821, par un adolescent allemand du nom de Christian Freidrich Ludwig Bushmann.

 

Nommé Aura par son inventeur, ce petit instrument comprenait une quinzaine de lamelles métalliques (anches libres) et des alvéoles dans lesquelles le musicien soufflait pour donner aux anches un mouvement vibratoire. Si petit l’instrument que l’on eût dit un jouet ! La même année, deux horlogers allemands entreprirent de le bonifier. Par la suite, un luthier de Bohème nommé Paddy Richter lui ajouta les notes aspirées (ce qui donnait deux notes par alvéole) et l’accordage diatonique connu sous l’appellation Accordage Richter. À cause des sonorités extraordinaires qui en sortaient, l’harmonica obtint un succès phénoménal et se répandit rapidement. Il fut donc le principal intermédiaire entre les premiers rejetons de la famille d’instruments à anches libres et l’accordéon proprement dit.

Aura, musique à bouche

Comme le dit le cliché, toute médaille a son revers. L’harmonica étant tenu à la bouche, le musicien était incapable de parler ou de chanter en jouant, ce qui était pour lui très frustrant. C’est alors que certains facteurs pensèrent à fabriquer un instrument de musique portatif qui laisserait le musicien libre de se servir de sa voix. Selon leur plan, cet instrument serait mélodique, polyphonique et expressif, donc capable d’ajouter du panache à toutes sortes de festivités. En 1829, deux inventeurs déposent séparément, à un mois d’intervalle, une demande de brevet.  Dans les deux cas, il s’agit d’un instrument de musique à anches oscillantes mises en vibration par un soufflet à main. Le premier de ces brevets est déposé le 6 mai 1829 à Vienne, par l’Autrichien d’ascendance arménienne Cyril Demian, facteur d’orgues et de pianos, et ses deux fils, pour un instrument appelé Akkordion.

Le premier akkordion de Demian

C’est une espèce de petite boîte sur laquelle sont fixées des lamelles métalliques ainsi qu’un soufflet. Il ne comporte que cinq touches jouant deux accords chacune (d’où le nom Akkordion, en français accordéon) selon que l’on tire ou que l’on pousse le soufflet. C’est ce qu’on appelle le système diatonique (parfois appelé bisonore). L’engin est léger, transportable manuellement et très facile d’emploi  À une époque où, sans radio et sans télévision, la majeure partie des moments de loisirs se passent à interpréter des poèmes, monologues et chansons, cet instrument représente un outil précieux pour les amateurs de musique. Il évoluera rapidement vers l’accordéon diatonique tel que nous le connaissons. Manufacturé en Autriche, en France et en Italie, il se propagera, dès 1860, sur tous les continents.

Le 19 juin, à Londres, Charles Wheatstone, un chercheur physicien anglais, dépose aussi un brevet pour un symphonium à soufflet qu’il transformera en 1833 pour devenir le concertina. (Il ne faut pas confondre avec le Konzertina allemand qui fut fabriqué vers 1856 auquel l’on donna le nom commercial de Bandonion - en mémoire d’un marchand de musique et éditeur du nom de Band). Le concertina de Wheatstone est de forme hexagonale et a deux claviers indépendants, mais n’a pas d’accords préparés. De plus, chaque touche donne un seul et même son indépendamment du fait que l’on tire ou que l’on pousse le soufflet. Il préfigure l’accordéon de concert. (Hector Berlioz s’est intéressé au concertina).

L’Akkordion de Demian remporte d’emblée l’estime populaire surtout en cette période où, en littérature, en musique et en art, l’effet émotif a préséance sur la performance. Apporté en France par des immigrés, l’instrument de Demian est vite adopté par les Français qui ne perdent pas de temps à le démonter et à en étudier toutes les facettes. Sollicitant les conseils des musiciens de leur milieu, ils se mettent à l’œuvre pour retravailler de nombreux éléments. Ainsi transforment-ils l’instrument accompagnateur en un instrument mélodique. Dès 1831, l’on assiste à la parution d’une première méthode française d’accordéon signée Pichenot lequel a muni son instrument d’une bascule servant à faire le vide d’air du soufflet. De plus, tant à Paris que dans les campagnes françaises, des cours d’accordéon sont mis sur pied. Les plus téméraires des accordéonistes osent même jouer du Mozart et du Rossini en adaptant les ouvrages de ces compositeurs aux possibilités du petit instrument.

Les peintres et les artisans rivalisent d’imagination dans l’embellissement de cet accordéon romantique en lui ajoutant de la marqueterie et de l’ivoire, des touches en nacre ciselé, des soufflets colorés, des perles, des paillettes. En un laps de temps très court, ils transforment le petit instrument en une véritable œuvre d’art. Ainsi, en habit de gala, il fait son entrée dans les salons de la très haute bourgeoisie et de la noblesse après que le roi Louis-Philippe en eût acquis un pour lui-même. À Paris, dans les milieux in, il est devenu de bon ton de posséder un accordéon.

En 1832, à Paris, A. Reisner, professeur et facteur d’accordéons, ouvre un atelier dans le but de développer l’invention de Demian. Il la dote en effet d’un clavier mélodique, c’est-à-dire qu’une touche égale un son. C’est l’accordéon romantique que l’on peut entendre dans les salons de la meilleure société.

Le 10 avril 1836, à l’Hôtel de ville de Paris, a lieu le premier concert d’accordéon. Louise Reisner, la fille du facteur ci-haut nommé, introduit l’accordéon dans l’univers de la musique dite sérieuse en interprétant sa composition intitulée Thème varié très brillant.

Sans tout à fait quitter les salons parisiens, l’accordéon connaît un formidable engouement dans les campagnes, dans les bals champêtres, dans les bistrots, dans les mariages, dans les fêtes patronales. Il est partout.  À cause de son prix modique, d’un clavier mélodique main droite et d’un clavier harmonique d’accompagnement main gauche, aussi de la facilité d’interprétation qu’il offre même aux débutants, il jouit d’une grande popularité et finit par s’imposer dans les folklores du monde aux côtés des instruments traditionnels. Ironiquement, c’est précisément à cause de sa grande simplicité qu’il sera pendant une longue période boudé par les écoles de musique et par les conservatoires. Mais il finit par surmonter les résistances et à interpeller toute l’Europe dont les facteurs comme les musiciens s’affairent à son perfectionnement. Le Français Léon Douce fait breveter son accordéon harmonieux, précurseur de l'accordéon chromatique. Il a ajouté le mécanisme de deux soufflets permettant à l’instrument d’émettre le même son soit que l’on tire ou que l’on pousse le soufflet. Mais d’autres transformations voient le jour. La fabrication française est lancée.

En 1850, Walter de Vienne adapte deux anches identiques dans une case sonore. Cette innovation sera utilisée 47 ans plus tard par Soprani.

En 1852, l’on assiste à la création de l’accordéon à touches piano par Matthaus Bauer. C’est une variante de l’accordéon diatonique (chromatique) à boutons, qui possède un clavier de type piano au chant et un clavier d’accompagnement identique à celui de l’accordéon à boutons.

Clavier piano

À Roubaix, France, au début de 1898, un ensemble (band ou orchestra), qui comprend  l’accordéon, des cuivres et des percussions, voit le jour. C’est la Fanfare des Accordéonistes roubaisiens. Cette société, fixée par un arrêté préfectoral daté du 26 novembre 1900, devient, en 1908, la Société des Accordéonistes roubaisiens. Elle fera parler d’elle et suscitera l’envie des villes avoisinantes qui fonderont à leur tour des sociétés semblables.

En effet, une formidable émulation entre ces groupes démontre l’exaltation des classes populaires pour l’accordéon. Malheureusement, cet engouement ne parvient pas encore à intéresser les autres classes sociales non plus que les académies de musique. Pourtant, en 1883, Pietr Illich Tchaikowski n’avait-il pas utilisé l’accordéon dans sa Suite No 2 en Ut Majeur ?

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