De 1900 à 1924
Les dix premières années de ce début de XXe siècle furent, pour l’accordéon, particulièrement fertiles et tourmentées. Fertiles, car une suite de circonstances heureuses favorisera son essor. Tourmentées, car il lui faudra encore attendre une vingtaine d’années avant de voir se dégager un modèle type.
C’est dans un imbroglio complet que vont se rencontrer, se côtoyer et se confondre toutes les idées et systèmes existants. Les mots eux-mêmes perdent leur signification et vont aider à la confusion générale : chromatique, diatonique, diatonique avec demi-tons (?), mixte, chromatique diatonique (?), harmonie, claviers, rangées, clapets, touches, cuillères, soupapes, accords composés, basses, contrebasses, voix, registres, jeux, pistons, pédales, etc., mots qui n’ont plus qu’un lointain rapport avec leur désignation réelle et qui dérouteront les non-initiés.
Les limites de ce petit ouvrage ne permettent pas de traiter chaque point de ces évènements.
Cependant, trois faits ressortent :
- Paris, qui perd le privilège de l’exportation au profit des concurrents autrichiens, italiens, allemands, belges, devient le centre mondial de cet extraordinaire rendez-vous;
- Profitant de la situation favorable, de nombreux émigrés italiens (spécialisés dans la fabrication de l’instrument) quittent Castelfidardo, Vercelli ou Stradella pour s’installer en France en Belgique, en Suisse, et prendre en main le monopole de ce commerce;
- La naissance du genre « musette » va donner à l’accordéon un nouveau moyen de s’exprimer et ce dernier, jusqu’alors estimé de la bourgeoisie, va être adopté par les classes populaires qui en feront l’interprète de leurs peines et de leurs joies.
Parvenu à cette étape charnière de son existence, l’accordéon va connaître un engouement considérable – que nous suivrons méthodiquement dans les lignes suivantes – se traduisant d’abord par la prolifération des amateurs et fabricants venant s’ajouter à ceux déjà connus.
En 1901, apparaissent les marques allemandes : Dorfel C.F., Dorfel F.W., Hess, Meineil A., Meineil F.C., de Kingenthal (Saxe); Kessler A., de Marneukirchen (Saxe); Kahnt et Uhlmann, de Altenburg (S.A.); Gera-reuss, Buttstaedt et Ruckoldt, Lanka, Liebmann A., Liebmann E., Spaethe, de Fribourg-en-Brisgau (Bade). Parmi les marques autrichiennes, on relève : Bauer, Glaser, Klein, Trimmel, Vogler, de Vienne.
Galvan Egidio fonde un atelier, en 1901, à Borgo di Valsugana (Italie). Coïa Casimir, de Paris, commande en 1902 à Paolo Soprani de Castelfidardo, un instrument « chromatique », présenté à quelques amateurs parisiens en 1903. Ce serait le premier modèle introduit à Paris, ce qui mérite d’être signalé. Cette même année 1903, à Trossingen, Allemagne, les établissements Hohner – spécialisés dans la fabrication des harmonicas depuis 1857 – produisent leurs premiers accordéons « diatoniques ». A Trento, en Italie, Branz et Cie créent une nouvelle fabrique en 1903.
Deux actions situées entre 1900 et 1903 vont décider de l’avenir de l’accordéon et attirer l’attention du grand public sur l’instrument. La première est l’association d’un père et de son fils de 17 ans – Émile Vacher, tout à la joie de son dernier accordéon à 3 rangées « diatoniques » et 48 basses « chromatiques » - qui vont, sur les temps forts de la batterie et du tambour marqués par M. Vacher père, conquérir Montreuil. La seconde naît d’un drame familial. Un jeune homme de 23-24 ans, ne pouvant plus s’entendre avec un père à l’autorité tyrannique, quitte sa famille avec un accordéon « diatonique » sur le dos. Désemparé, les exigences matérielles l’obligent à trouver rapidement du travail. Il va proposer ses services à M. Bouscatel, propriétaire d’un café-bal, près de la Bastille, ou depuis de nombreuses années les Auvergnats de Paris viennent danser au son de sa célèbre « cabrette » - ou « musette » - accompagnée d’une vielle et de grelots. Le jeune Charles Pérugi est engagé. Cette rencontre marque le début d’un genre nouveau qui deviendra « musette ». – Émile Vacher et Charles Pérugi en deviendront les idoles et feront découvrir tout un monde fait de fumée, d’alcool, de mauvais garçons…et de valses « musette ».
Philippe Krümm
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